Focus : la ville durable, une opportunité pour plus d'égalité ?


Pascale LAPALUD, Présidente de Genre et Ville

Chris BLACHE, Coordinatrice de Genre et Ville


Plan de la présentation


Chris BLACHE

Nous aborderons le sujet de manière large, car il nous semble important de croiser les thématiques, avant de nous intéresser plus précisément à la question de la mobilité. Nous nous sommes intéressés aux homologies entre la question de l’égalité et les critères principaux de la ville durable, qu’on retrouve dans l’agenda 21.

Présentation powerpoint de P. Lapalud et C. Blache

Nous assistons à un changement de paradigme sociétal qui peut être une opportunité pour le développement de l’égalité, des droits et des libertés des femmes. Nous avons étudié cette question selon quatre thématiques : le pouvoir économique (« empowerment »), le logement, l’espace public et les mobilités.

Il existe de nouveaux modèles de pouvoir économique qui peuvent être bénéfiques aux femmes. Les logements privés évoluent et sont réhabilités pour être moins énergivores et plus résilients. La fertilisation de l’espace public n’est pas encore acquise, alors qu’il existe encore de nombreux espaces publics stérilisés et non accessibles. La refertilisation des espaces publics a un intérêt écologique mais peut aussi être approchée de manière sociale. Enfin, la mobilité a été requalifiée de manière globale, incluant de nombreux aspects : les lieux, les outils de transports, les véhicules, etc.

Les perspectives économiques montrent un développement de l’économie durable, qui induit un travail relocalisé avec des opportunités locales, ce qui présente un intérêt pour les femmes qui ont une mobilité plus contrainte comme on l’a vu. Nous remarquons dans les quartiers de la politique de la ville que les femmes ont des emplois difficiles, avec des horaires fractionnés qui les obligent à effectuer de longs trajets.

Pascale LAPALUD

Nous avons choisi cet angle du paradigme de la ville durable, comme on peut l’observer à Bordeaux, à New-York ou à Paris, dans les choix qui sont faits de repenser la vie quotidienne, l’économie, et les mobilités. Nous nous intéressons à savoir comment les femmes seront actrices de ces changements. Alors que nous avons beaucoup parlé aujourd’hui de victimes, nous souhaitons apporter un message positif.

L’un des objectifs de la ville durable est de réduire la séparation fonctionnelle dans les villes entre le logement et le travail. Les activités de recyclage et d’activités relocalisées permettent d’atteindre cet objectif : l’économie sociale et solidaire est donc un des moyens de cette évolution des villes.


Le pouvoir économique (« empowerment »)


Chris BLACHE

De même, l’économie du partage permettra aux femmes, qui ont des revenus inférieurs aux hommes, de se sociabiliser davantage et d’augmenter leurs revenus. La cogestion permet aux femmes en situation difficile dans certains immeubles de réaliser des économies. Enfin, le développement de nouvelles gestions de l’énergie au niveau local permettra aux femmes d’être actrices.

Sur un plan économique, le développement durable est un atout pour les femmes, à l’exemple de la ressourcerie d’Oberkampf à Paris ou d’un garage associatif à Nantes, Mécanor, destiné à des personnes précaires. Ce garage permet aux femmes de réparer elles-mêmes leur voiture. La venue d’une direction féminine du garage a féminisé la clientèle : les femmes représentent plus de la moitié de la clientèle, elles peuvent ainsi entretenir leur voiture et y apporter des réparations simples, être mieux considérées par les garagistes professionnels et ainsi éviter des coûts excessifs, et enfin, elles peuvent profiter de ce lieu de sociabilisation.

De manière générale, ces initiatives de cogestion et de co-organisation représentent une opportunité « d’empowerment », les femmes montent en compétence et se sentent plus fortes. Elles sont par ailleurs plus responsables de leur quotidien et sortent de la dépendance.

Dans le domaine des transports, l’exemple d’une initiative de la TICE (Transports Intercommunaux Centre Essonne) est intéressant pour la participation. Cette entreprise a organisé une action appelée « La TICE au féminin » sur la plus grande ligne de bus de l’Essonne, la ligne 402. Des ambassadrices ont été nommées pour représenter chaque arrêt de la ligne, dans le cadre d’une enquête sur le ressenti des femmes à l’usage de ces bus.

À Villiers-le-Bel, à la suite des émeutes de 2010, la population ne sortait plus et l’espace public s’est trouvé livré à la petite délinquance. Ainsi, les femmes n’osaient plus prendre le bus, régulièrement cible de projectiles. Elles se sont constituées en association, « Le collectif du 29 juin » et, avec l’aide de la mairie, ont obtenu une action du STIF pour rétablir la qualité des transports collectifs dans leur quartier.


L’évolution des logements


Pascale LAPALUD

Les logements neufs sont mieux pensés, moins consommateurs d’énergie. On voit apparaître, en Angleterre par exemple, des quartiers entièrement autonomes en production et consommation d’énergie. Ainsi, la ville est repensée, les cartes sont rebattues, ce qui constitue une opportunité pour les femmes de s’affirmer et de prendre leur place. Le développement de mutualisations de services, d’espaces communs, ou d’outils, qu’on trouve à l’échelle d’un bâtiment ou d’un groupe de bâtiments, constitue une opportunité économique et « d’empowerment ».

L’adaptabilité et l’évolutivité des logements sont importants à nos yeux : les logements devraient pouvoir s’adapter aux âges de la vie.

Enfin, la porosité entre espace privé et espace public est un sujet majeur d’évolution et de remise en question de la domination masculine, alors que les femmes seraient contraintes dans l’espace privé et que l’espace public serait l’apanage des hommes. Cette situation fait que certains hommes se sentent légitimes à avoir des comportements dégradants vis-à-vis des femmes. Il est important de travailler à légitimer la présence des femmes dans l’espace public par l’organisation d’activités mixtes afin d’éviter des phénomènes de ségrégation.


L’espace public


Chris BLACHE

La fertilisation des espaces publics est un atout écologique mais aussi une opportunité de reconquête de l’espace public, cogéré, avec l’agriculture urbaine. L’éclairage public, source de sécurité, peut être repensé pour protéger la biodiversité et limiter la consommation d’énergie sans obérer sa fonction sécurisante.

La fertilisation sociale permet la reconquête de l’espace public : le jardin partagé de Villiers-le-Bel, au départ uniquement masculin, est maintenant mixte, hommes ou femmes, de toutes religions et origines, se retrouvent dans ce jardin.


Mobilités


Nous préconisons « un développement de l’offre de transports en commun et une amélioration des véhicules pour des pratiques facilitées ». On a vu que les femmes privilégient le bus, mais à Paris, on constate que les bus ne sont pas adaptés au transport des poussettes (ils en accueillent deux au maximum), des courses ou des bagages. Or, à l’heure actuelle, les femmes sont majoritairement responsables de ces tâches.

Les horaires pourraient être améliorés pour mieux s’adapter au rythme de vie, l’intermodalité doit être travaillée, notamment à Paris où les tickets ne permettent pas de faire des correspondances. Le transport des vélos est majoritairement interdit, en raison de l’affluence selon le STIF, mais des solutions alternatives peuvent être imaginées. Nous souhaiterions également un travail sur les ambiances dans les accès de gare et les arrêts, on peut très simplement faire évoluer la lumière pour la rendre plaisante.

Les mobilités douces doivent être encouragées, même si on entend que les femmes ont besoin des voitures pour se déplacer, on constate qu’en Île-de-France les hommes utilisent davantage la voiture.

À notre sens, le développement durable, sur tous les plans que nous avons abordé, peut être un outil d’émancipation des femmes.


Echanges avec la salle


Question de la salle

En France, la ségrégation dans les transports (les wagons et véhicules réservés aux femmes) n’existe pas, mais elle existe à New Dehli ou à Mexico, quelle est votre opinion sur ces pratiques ?

Chris BLACHE

Cette question est complexe, j’y suis opposée en principe car cela sous-entend que les femmes sont fragiles et doivent être protégées, et que les femmes qui n’utilisent pas les transports réservés sont « accessibles » aux sollicitations masculines. Ce genre de pratiques entretient des stéréotypes. Une chercheuse indienne en arrive à la conclusion qu’à Mumbai, la discrimination se dédouble, puisqu’en Inde, les hommes musulmans deviennent les boucs émissaires de ces pratiques.

Cependant, j’ai rencontré une personne qui travaillait en Inde et défendait cette solution, appréciée par les femmes, plus rassurées. Cette solution ne semble pas durable, bien qu’elle soit utile à certains moments.

Question de la salle

Je suis d’accord avec vous, si l’action de ségrégation n’est pas accompagnée d’un travail de sensibilisation, elle est inutile.

Pascale LAPALUD

En mettant en place cette ségrégation, on ne prend pas en compte le problème structurel de la domination masculine. De plus, l’espace public est naturellement un espace ouvert à tous et toutes, c’est donc l’amélioration des comportements qui doit être recherchée.

Johanna DAGORN

Je souscris à ces pratiques car ce sont des femmes qui ont demandé la mise en place des wagons réservés. Mais ces pratiques posent la question des personnes intersexes, et ne traitent que les effets, et pas les causes, du harcèlement.

results matching ""

    No results matching ""