Sexisme en rafale, un projet participatif pour décrypter l’organisation sexuée des espaces publics


Marie CERVETTI, Directrice du FIT, une femme un toit

Je représente l’association FIT : une femme un toit, dont l’originalité est qu’elle gère le seul centre d’hébergement et de réinsertion sociale pour des jeunes femmes âgées de 18 à 25 ans, sans enfants avec elles, et victimes de toute violence sexiste ou sexuelle. C’est le seul lieu de ce type en France, ce qui est assez révélateur de l’intérêt national pour les violences faites aux femmes. Le public du centre d’hébergement recouvre des jeunes femmes violées, victimes d’inceste, mariées de force, mutilées sexuellement, victimes de lesbophobie, de violences conjugales ou intrafamiliales. Les violences commencent toujours à partir d’une base sexiste, d’où l’expression « violences sexistes et sexuelles ». Ainsi, une jeune fille prendra des coups le soir car on aura estimé qu’elle n’a pas mis la table assez vite. La violence conjugale commence aussi par obliger l’autre à se maintenir dans un rôle stéréotypé de femme. Le prétexte d’un coup est alors que la femme a mal fait le ménage ou qu’elle s’est mal occupée des enfants.

Certaines des femmes que nous accueillons ont cumulé plusieurs des formes de violence que j’ai listées. Dans la vie, leur préoccupation est donc de sortir de la violence. Elles sont malheureusement expertes en la matière, concernant les conséquences des violences, les stratégies des agresseurs, etc.

En revanche, elles n’ont pas conscience de l’organisation sexuée de la société, ni même du sexisme en tant que tel. Alors ministre, Laurence Rossignol, forte de ce constat, a lancé une opération sur le sexisme amenant ces personnes à s’interroger sur les sujets dont nous parlons. Nous leur avons proposé qu’elles déambulent en ville munies d’un appareil photographique et qu’elles prennent des clichés, ce qui les amenait à ouvrir l’œil, à se demander de façon concrète qui occupe l’espace et comment. De surcroît, par une démarche d’« empowerment », on se rend propriétaire de la ville.

À notre tour, nous nous sommes emparé-e-s du projet de Laurence Rossignol et avons proposé aux jeunes femmes de notre centre, pour la première fois, de s’emparer de l’espace public. Cette expérience a abouti pour elles à une prise de conscience globale, de grande ampleur. Elles en ont rapporté des dizaines de clichés qui leur ont montré, par exemple, quelle était la propension de la publicité à les dénuder sous le moindre prétexte.

À partir de ces photographies très diverses, nous avons réalisé un montage assez « anxiogène », c’est-à-dire, où les images se succèdent très rapidement, comme vous pourrez le constater.

En fin de compte, l’idée est simple : si l’on peut changer son regard, on peut se changer soi-même et changer le regard des autres, en dernier ressort. C’est ainsi que les femmes cessent de se positionner comme des victimes.

Paul DAULNY

Je vous propose de visionner les travaux de ces photographes.

Marie CERVETTI

Le film pose des questions. À nous de tenter d’y répondre.

Paul DAULNY

Ce projet d’« empowerment » est facilement transposable auprès d’autres publics.

Marie CERVETTI

En effet, la prise de conscience est essentielle. C’est sans doute une partie importante du chemin.

Chris BLACHE

Le film peut-il être réutilisé à titre gracieux ?

Marie CERVETTI

Tout à fait, c’est le cas de tous les supports publiés par le FIT, dont de nombreux films en ligne sur YouTube, réalisés par de jeunes femmes œuvrant pour la conscientisation.

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